Solange Janin

Une nounou hors pair

MARIE MELGAR, PHOTOS BERNARD GOUEDARD POUR CÔTÉ FEMME

Aider était le souhait le plus cher de Solange Janin. Depuis 1995, elle consacre son temps libre à élever des chiots: un soutien précieux pour l'Association nationale d'éducation de chiens d'assistance pour handicapés. Et une façon belle et utile d'aller au devant des autres.

Avez-vous déjà entendu parler de Preums et de P'J? Et pourtant, à leur façon, Preums et P'J sont des héros. Ces deux boules de poils, de tendresse et de courage sont les premiers chiots formés, en 1989, par l'Association Nationale d'Education de Chiens d'Assistance pour Handicapés (Anecah). Le but? Aider dans ses gestes de la vie courante, toute personne confrontée à un handicap moteur. Solange Janin, quarante-six ans et un coeur gros comme ça, connaît bien, elle, ces précieux animaux de compagnie. Depuis 1995, cette documentaliste, installée dans une ancienne ferme entre Lyon et Valence, accueille chez elle des chiots de l'Anecah afin de leur inculquer, entre 2 et 18 mois, les bonnes manières... Une année durant, entre tendresse et complicité, Solange a pour mission d'apprendre au jeune chien une trentaine d'ordres. Un premier pas dans la vie avant que l'animal ne reçoive une instruction spécifique dans l'un des deux centres de formation de l'association et ne parte, enfin, rejoindre son nouveau maître, handicapé moteur.

Un vrai jour de fête
Pour Solange, l'aventure Anecah débute dans des circonstances dramatiques, à la suite du décès d'un ami :"Il laissait derrière lui Iza, un berger allemand. Je ne voulais pas qu'il parte à la SPA, mais j'avais déjà un chien, Kim, un groenland au fort tempérament. La cohabitation s'annonçait difficile. Je me suis alors adressée à un club d'éducation canine. "  Quelques heures de cours suffiront à Iza pour faire son entrée dans sa nouvelle famille en toute quiétude... et à Solange pour se passionner pour l'éducation canine. 
Ensuite, le hasard des rencontres l'a conduite jusqu'à l'Anecah. Dans la région de Valence, aucune structure n'existe encore. Solange se propose alors d'offrir du temps et ses services à l'association. Pendant plusieurs semaines, elle est formée aux méthodes de l'Anecah. 
Jusqu'à la rencontre avec Mascotte, le premier chiot confié par l'association à la famille Janin.

" Je m'en souviens comme si c'était hier. Un véritable jour de fête ! "raconte Solange, un immense sourire aux lèvres. Je suis allée la chercher avec les plus jeunes de mes enfants, Olivier et Christèle. Ils avaient alors six et douze ans à l'époque. Quand on a vu cette adorable petite chienne, ce labrador noir aux yeux si brillants, on a tous craqué! Les enfants de Solange sont néanmoins prévenus: Mascotte ne restera pas à la maison définitivement. Je leur ai expliqué que nous faisions cela pour aider d'autres enfants qui ne pouvaient pas marcher, se souvient Solange. Ils ont parfaitement compris. 

Les tout premiers pas de Mascotte

L'arrivée de Mascotte dans sa nouvelle famille se déroulent à merveille. Même Iza, le berger allemand, accepte bien le chiot. Notre première mission consistait à apprendre son nom à Mascotte. 
Ensuite, il a fallu lui apprendre la propreté"
Jour après jour, dorlotée par les Janin, Mascotte n'en fait pas moins le dur apprentissage de la vie. Pas question d'aboyer à l'approche d'un inconnu pour un oui ou pour un non, de prendre les massifs de fleurs du jardin comme terrain de jeu ou de s'installer confortablement sur le canapé du salon. " En même temps que j'éduquais Mascotte, il fallait aussi que je surveille mes enfants. Difficile pour eux de résister au regard implorant du chiot lorsqu'il voulait se blottir près d'eux dans le fauteuil! " Seize mois plus tard, Mascotte est prête à partir. Une épreuve: " Comment ne pas s'attacher à un animal à qui vous avez tant appris? On ne serait pas humain, s'émeut Solange. Son départ a été un moment très émouvant. On avait de la peine de s'en séparer et en même temps, on imaginait la joie immense que l'on allait apporter. ."Mascotte a parfaitement réussi ses six mois d'apprentissage complémentaire dans le centre de formation Anecah, raconte Solange. Après avoir appris chez nous à dire bonjour en levant la patte, elle a appris à ouvrir les portes en faisant le même geste, et une foule d'autres choses. Seulement voilà, Mascotte s'est révélée pointilleuse sur la fidélité et elle n'accepte de travailler qu'en présence des éducateurs. Ainsi, placée devant la personne handicapée, elle s'est refusée à obéir! Alors on l'a reprise... au grand bonheur de mes enfants! "

Depuis, deux golden retriever ont été les élèves de la famille Janin. Avec succès. Aujourd'hui, Ouzo, éduqué par Christèle sous l' oeil avisé de sa mère, a rejoint Sarah, une jeune fille handicapée. Et Rafale termine sa formation au centre Anecah de Lyon.
"Lorsque l'on réalise ce que représentent nos chiens pour ces personnes, on ne pense qu'à une chose: recommencer" C'est ce que fait Solange, chaque année. Désormais, elle encadre également des familles d'accueil. En six ans, cette mère de trois enfants, salariée d'une grande entreprise, a recruté vingt-six bénévoles et a fait éduquer autant de chiens. Un succès dû à l'enthousiasme, la générosité et la forte motivation. " Depuis mes débuts, je prends une partie de mon treizième mois en congés et je le consacre à l'Anecah. "

En France, un million et demi de personnes souffrent d'un handicap moteur. Depuis sa création, grâce à Solange et à ses autres bénévoles, l'Anecah a remis 400 chiens et recruté plusieurs centaines de familles d'accueil. C'est peu, mais déjà beaucoup.